Semaine 20 : Le Bon, la chute et les truands.

Cette semaine, 3 choses encore.

La voilà.

La première.

Du Bon, avec la venue de la seule personne qui aura marché avec nous 3 jours dans tout ce périple, abandonnant les siens pour la cause : Henda.

Elle.

Elle.

Au vu du peu d’entraînement et de ce qu’elle a pris dans le nez (40km en 2 jours, de la soupe lyophilisée et des pâtes, des clémentines bien acides à tous les repas, les enfants en pleine forme, quelques heures d’attente dans le froid à garder les monstres en attendant que le logis soit  trouvé, la vaisselle, la cuisine et tout),

Attrapant le sanglier d'Erymanthe (il est juste devant elle, regarde bien).

Attrapant le sanglier d’Erymanthe (il est juste devant elle, regarde bien).

en n’oubliant pas de nous apporter du fromage qui coule, de la charcuterie qui bute, et des petits St Nicolas en chocolat, elle a réduit Hercule et ses 12 travaux à l’état  de mollusque anémique rampant à même le sol.

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Capturant le taureau de Crète.

Henda, ma fille, t’as assuré comme une bête, ton mari et tes enfants peuvent être hyper fiers de toi, comme nous.

Ici contre l'hydre de Lerne.

Ici contre l’hydre de Lerne.

Du Bon encore, du très Bon même, avec, ce matin au petit-dèj – qu’on a décidé in extremis d’aller dévaliser – à l’hôtel  où on s’empile, comme d’habitude, tous dans la même chambre, la rencontre avec Michèle et Alexis, qui viennent d’Angers, et qui ont décidé, tiens donc, d’aller à Jérusalem à pied. IMGP3262Ils sont partis au mois de mai dernier, avec leurs petits sacs, leurs coquilles et leurs crédenciales de Compostelle, et ils ont pris un trajet en diagonale à travers la France, l’Italie, la Croatie, la Serbie, la Bulgarie, la Turquie, avant d’arriver à Chypre, pile sur la route, pile au même moment, pile au même endroit, à ¼ d’heure près je pense qu’on se ratait. On est presque tombés dans les bras les uns des autres alors qu’on ne se connaissait ni d’Eve ni d’Adam.

IMGP3265On a passé le repas à se raconter nos anecdotes, à s’expliquer nos routes, IMGP3263et puis on est allés prier ensemble avant qu’ils ne reprennent leur chemin, nous autres restant derrière et faisant de grands signes de la main : on reste une journée de plus ici, on a du travail scolaire à rattraper. C’était comme des parents pour nous, d’un coup ; ils étaient tranquilles et chaleureux, rassurants et confiants, unis et heureux. On était comme des enfants pour eux. Alexis a pris Bubulle sur ses genoux en disant que ça faisait bien longtemps, oui, qu’il n’avait pas porté un de ses petits-enfants. On s’est embrassés comme du bon pain, et on a demandé au Ciel de faire en sorte qu’on se croise à Bethléem. Ce serait vraiment chouette. A défaut, on se verra au retour. IMGP3269Ca aussi c’est chouette. Une vraie rencontre avec le cœur, qui n’aura pas duré plus d’une heure, mais qui restera parmi les plus belles et les plus marquantes. Quand ils sont partis, j’ai vu Alexis aller gentiment poser sa main sur celle de sa petite femme appuyée sur son bâton, une seconde, en passant, comme pour lui dire : « Allez. Courage ».IMGP3277

Ensuite, il y a eu des chutes. Pas grave, celle de ma montre. IMGP2836Et surtout, il y en a eu une autre, la mienne : pour la 3ème fois, j’ai chu. Oui. L’infaillible Forest Gump, lui, n’aura même pas trébuché une fois. J’ai un peu honte, mais c’est comme ça. C’était hier. L’étape prévue était longue, 20km, et la météo particulièrement pénible selon les prévisions : pluie, (très) fort vent d’Est (= dans ta gueule), entre 6 et 8°C, ce qui te fait sans doute doucement rigoler, toi qui as eu tout ton automne pour commencer à te couvrir, mais pour nous ça a été dur (on a perdu d’un coup quelques 15 degrés, les lèvres ont gercé, les nez ont coulé, les mains sont devenues rouges et glacées). Et aussi, les jours qui ont précédé, on a reçu un bon petit paquet d’intentions supplémentaires pour lesquelles prier, dont des trucs hyper durs. Et ça joue, crois-moi.IMGP3188

On a échappé aux pluies diluviennes annoncées, déjà, et on met ça sur le compte de Là-Haut. C’est pas passé loin, parce qu’on a vu les nuages. Mais, et c’était inespéré, c’est passé à côté. Merci Seigneur. En revanche, les 60km/h de vent de face, on les a eus. Et je pense que je pourrais jurer que mon chargement avait doublé de poids. Mon sac à dos, parfaitement ajusté à la longue, n’allait plus du tout sur mon dos. Quel que soit le réglage, ça faisait mal. Partout. Les épaules, la nuque, les hanches, les vertèbres du milieu, les muscles autour, les jambes, les pieds. La poussette, pas plus lestée que d’habitude pourtant, m’a éclaté les bras. Le vent, me diras-tu. Sans doute, oui. Le décor aussi a joué son rôle, mais j’y reviendrai. Toujours est-il que, mètre par mètre, je suis passée à l’arrière de la colonne.

Puis j’ai vu le paquet, devant, s’éloigner tranquillement, et m’attendre. Pourtant, je poussais, je souffrais, je suais et soufflais. Rien à faire, j’avais un chargement en plomb. J’étais en plomb. Et mes chaussures, aussi. Jusqu’au moment où l’infatigable Carl Lewis a fini par prendre mon sac. Mais même avec ça, ils ont dû ralentir le pas. Et j’ai continué de pousser – en serrant les dents et en faisant mon possible pour arrêter de réfléchir – ce qui me semblait être un sac de briques, jusqu’au bout de l’étape où je suis arrivée, moulue et épuisée. Incompréhensible.

Ca me rappelle vaguement quelqu’un d’autre, qui est tombé 3 fois aussi, à un moment. C’est marrant. Si je résume mes 3 chutes à moi, il y a eu la crise de Keskonfoulite, en Toscane : le découragement. Et puis il y a eu, à Rethymno en Crète, l’épisode de la médaille : la rébellion. Et puis hier, le craquage physique : le repli sur soi.

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Ah, mais quelle charmante bourgade.

Enfin, il y a eu des truands. On est sortis de Limassol il y a peu. Or, autant les kilomètres qui la précèdent sont, de façon évidente, sous influence britannique (la Grande-Bretagne est propriétaire entre autres d’une péninsule au Sud de Chypre, où elle a installé une grosse base militaire), autant la ville-même et sa banlieue Est sont complètement prises d’assaut par les Russes. Et dans un but évident, connu de tous et donc semi-officiel, de blanchiment d’argent.

Ca vend du rêve, y a pas à dire.

Ca vend du rêve, y a pas à dire.

Ca donne des gros complexes hôtel + boîte de nuit, des clubs de strip-tease, des restos divers, des marchands de fourrure, des magasins de pacotille le long de la plage, environnés de résidences énormes et impersonnelles complètement vides en dehors des vacances, si on excepte quelques équipes de cyclistes (dont quelques-unes de jeunes russes) venus s’entraîner, et que nous avons croisés sur la route.

Il y a 10 ans, il n'y avait rien.

Il y a 10 ans, il n’y avait rien.

On voit des seringues dans les caniveaux, malgré un environnement très propre visiblement assez entretenu, en tout cas aux abords de la route principale. Tout ça a une allure de carton-pâte, de décor de sitcom, de mauvais maquillage. Ca pue. Et le (trop) confiant Charles Ingalls, poussé par la nécessité, a dû en catastrophe rechercher à cet endroit une paire de chaussures de marche pour le petit Hareng, dont les semelles ressemblaient curieusement à du gruyère.

Emmental coeur de meule. Plus tendre.

Emmental coeur de meule. Plus tendre.

Et on s’est retrouvés, bien sûr, avec de superbes pompes pas trop chères et de bonne qualité, dont les semelles se sont littéralement déchirées au bout de 10 minutes d’essai. Le retour de la marchandise, outre un sérieux problème de trajet (on était déjà loin, et le nuageux Hermès a dû faire 2 allers-retours en stop), a bien failli tourner au vinaigre, face à un type qui refusait de reconnaître ses responsabilités, de rembourser, de s’excuser. Cette sensation inimitable d’avoir été le gros dindon de la farce, de s’être fait rouler, d’être le blaireau de service, qu’est-ce que c’est sympa. Saletés de truands.IMGP3213

Et puis voilà. La semaine prochaine, je devrais t’écrire en direct de Jérusalem. Je n’en reviens pas. Les autres non plus. On y est presque. Tu te rends compte ?!

Voilà.

Voilà.

A...

A…

...la...

…la…

... prochaine.

… prochaine.

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4 commentaires pour Semaine 20 : Le Bon, la chute et les truands.

  1. Anne-Persil dit :

    Ultra contents de revoir la bobine d’Henda parmi vous. Elle est un peu la mère Noël de la famille…
    On est hyper tristes de les savoir si proches, et de ne pas pouvoir les voir… Saleté de géopolitique !
    Michel et Alexis seront donc dans les parages, on espère avoir l’occasion de les connaître. Si vous savez où ils vont crécher, ou quels sont leurs projets sur place, Jéru est une toute petite ville, on devrait pouvoir les croiser !!!

    Vous êtes dans les derniers jours de votre épopée, et, MoYue, vraiment, merci, mille mercis pour ces 3 récits de chutes. Elles te rendent tellement moins lointaine, moins héroïque, plus proche de nous, misérables petits bourgeois matérialistes, embourbés dans nos certitudes.
    Les gens à qui nous racontons votre arrivée prochaine (il faut bien se justifier de ne pas rentrer en France pour le ski, le fromage et le saucisson) vous idéalisent complètement. Ils regardent votre projet avec une pointe d’envie parfois jalouse, ou avec dédain (ils sont fous, voilà tout).
    Alors il faut sans cesse dire et redire que c’est plus qu’un défi sportif, que ce n’est pas pour une cause politique, que vous le faites AVEC et POUR vos enfants, et qu’ils ne sont pas avec vous que parce que vous n’aviez d’autre choix.
    Bref, on attend aussi votre arrivée pour que vous preniez le relais auprès des incrédules naïfs, ou des hostiles niaiseux.
    (pffffff, j’ai de la route à faire sur la voie de la charité…)
    Bien des choses à votre Apollon et à vos 4 bagages !
    Anne-Pépère-sil

  2. le fan club de la saumonnerie dit :

    Allez courage , courage, courage, le fanclub de la saumonerie pense à vous, quotidiennement
    et les trois chutes , et bien elles nous rappellent en effet celles que nous connaissons bien . mais comme dit st jacques dans son épitre (reprise dans le rituel du sacrement des malades ) « …………….. qui relève et qui sauve » ….. et bien oui , trois chutes pour mieux se relever !!!

    et ces trois chutes ont permis que d’autres aussi se relevent et avancent ……… !!!
    nous comptons les jours, dans 10 jours vous y serez et avec vous nous pourrons chanter l’introit de demain « GAUDETE » (rejouissez vous ) et pensez que tous vos amis pretres demain auront reventu la chasuble ROSE …….. et que ce blanc mis dans le violet pour obtenir ce rose, est bien le signe de la purete, de la blanheur qui est au bout de ces dix jours !!!!
    on vous embrasse tous les 6, ONLR même sur les routes de palestine
    grande union de prières, et la suite en mp

  3. Alphonsine dit :

    J’aime beaucoup le titre, mais j’aime beaucoup le film !
    Heureusement après toute chute il y a le relèvement !
    Et confidence d’une Suisse : le gruyère n’est pas un fromage à trous, c’est l’emmenthal qui en possède !

  4. hélène vignal dit :

    Courage, encore un petit effort et bientôt l’arrivée ! Vous pouvez être fiers de vous !!!!!

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