Semaine 22 : Jérusalem, Jérusalem.

On a atterri à Tel Aviv après un vol ridiculement court. On est descendus de l’avion, on s’est présentés aux douanes, on a récupéré nos bagages, et voilà, on y était. Je ne peux pas ne pas parler de la Providence sur ce coup-là : on était providentiellement attendus par des amis, providentiellement venus habiter Jérusalem l’été dernier, qui sont venus nous chercher et nous ont accueillis chez eux.

On s’est retrouvés, à 1h30 du matin, ce 22 décembre, entre le Jardin des Oliviers et l’Esplanade des mosquées, à boire du thé brûlant et manger du Houmous, en regardant le Dôme du Rocher qui se détachait dans la nuit sans pouvoir réaliser ce qui nous arrivait.

On a chanté. Il faisait froid.

Le lendemain matin, Dimanche, on est allés à la messe à Abu Gosh. Abu Gosh, c’est une ancienne église bâtie par les Croisés, tenue aujourd’hui par des Bénédictins.

Il y avait de la neige dans le jardin, que Bubulle a consciencieusement mangée pendant l’homélie. Alors que le prêtre priait, devant une assemblée silencieuse et recueillie, des moines et moniales aux têtes inclinées, qu’on allait chanter le Notre Père, le muezzin s’est mis à chanter depuis le minaret voisin. J’en ai presque eu les larmes aux yeux. Sans vouloir occulter les différends qu’on connait, entre les communautés qui cohabitent douloureusement ici, à cet instant précis, chacun selon son rite, des croyants levaient tous la tête vers le Ciel. C’était vraiment fort.

Et puis la lumière, la tiédeur, le silence et le calme dans cette église ont fait éclore un sentiment surprenant que je n’attendais pas du tout à cet instant-là : La Paix. Seigneur … Eh ben… Je voulais Te dire… Me voici. C’est la seule prière qui me soit venue à l’esprit, mais elle avait une profondeur et une vérité que je ne suis pas sûre d’avoir expérimentées à un tel degré dans mon existence.

Depuis, on s’en colle plein les yeux, le nez, les papilles, le cerveau, le cœur. On marche dans le souk, on passe dans les quartiers juifs, puis chez les Palestiniens, à côté de la tombe de St Etienne, on chante sous le dôme de l’Ascension, on regarde les murailles et le Dôme du Rocher, et on écoute bouche bée les appels à la prière, qui se bousculent tous, s’emmêlent et se rejoignent pour recouvrir toute la ville. C’est canon, le chant d’un muezzin. Quelle puissance dans cette ville. Que c’est juste et beau de l’appeler « La 3 fois Sainte ». Quelle diversité incroyable. Quelle splendeur que cette prière perpétuelle.

Quels contrastes. Quelle agressivité. Quel réservoir de peur et de haine. On va de mirador en barbelés, tout est clos et armé, les voitures grillagées, les regards farouches, qui décodent la provenance et le rite en fonction des vêtements. La coexistence incroyable d’une proximité palpable avec le Ciel et de tout ce que l’homme peut déployer comme violence. Quelle merveille. Quel choc.

Aurait-on le même regard si on était venus directement en avion ? Serait-on aussi submergés ? J’en doute. Déjà parce que l’attente crée aussi la joie du moment, comme pour l’Avent, et parce qu’en venant, c’est maintenant que je le vois, on s’est dépouillés. Ou plutôt, on a été dépouillés, creusés, émondés, équarris. La route nous a débarrassés d’une partie de nous, en taillant dans celle qui sert à pas grand-chose. Et on reçoit avec d’autant plus de gratitude, de simplicité, de profondeur, ce qui nous est offert ici.

Amen Amen Je te le dis, on devrait tous se mettre sur les routes. Même si c’est pas longtemps.

Cet après-midi, nous allons partir de Jérusalem, à pied, vers Bethléem. On va passer le mur, parce que nous, on peut. C’est loin d’être le cas de tout le monde. Nous assisterons à la messe de Noël dans le champ des Bergers, avec nos amis et tous les enfants. On te déposera devant la Crèche, comme « des Rois Mages venus de l’Occident », selon la jolie expression de mon amie Marie-Alix, en priant pour qu’Ils aient prêté l’oreille à ce que tu voulais leur demander, Là-Haut, et que tu nous as confié quand on est partis, ou après.

On te souhaite un Vrai Noël. Pauvre, heureux, et paisible. Jésus est né !

Dieu te bénisse, tous autant que tu es.

A…

…la…

… prochaine.

Un cimetière juif.

Abu Gosh.

Le Souk, côté palestinien.

Le Jardin des Oliviers.